dimanche 14 novembre 2010

D'ex-chômeurs français remportent la S-League ! (partie 1)

(c) lemonde.fr

Johan Gouttefangeas. Retenez bien ce nom. A seulement 32 ans, cet ancien joueur pro, patron d’un magasin de téléphonie mobile, avait réuni des fonds pour créer un club de foot 100% français, l’Etoile FC et réussi à l’enrôler dans le championnat de Singapour pour la saison 2010.
Aidé dans cette entreprise par David Ginola et Patrick Bèche, le bilan de la première saison du club frenchy est exceptionnel puisque l’équipe réalise le doublé championnat / Coupe de la Ligue !



Dans son index qui fait autorité, A.T. Kerney a classé Singapour en numéro un des Etats au stade le plus avancé du mondialisme.
Cette île-Etat du sud-est asiatique, à la pointe sud de la péninsule de Malaisie, fait à peine plus de 210 km² et compte 5 millions d’habitants. C’est la deuxième densité au monde après Monaco.
76 % sont de descendance chinoise, 15% malais, 7% indiens (majoritairement tamouls).
Singapour a une économie prospère, faisant partie des "4 tigres asiatiques" grâce à ses activités portuaires, ainsi que la manufacture, le raffinage, la mécanique, l’électronique, le biomédical, etc..


Le championnat de football de Singapour, rebaptisé S-League en 1996, en même temps qu’il est devenu professionnel, est à l’image de la cité-Etat, empreint de mondialisme.
C’est un championnat "à l’américaine" avec 12 franchises assurées de non relégation en cas de mauvais résultats sportifs.
Afin de remonter le niveau, les dirigeants de cette S-League ont eu l’idée étonnante d’y inviter des équipes entièrement composées de joueurs étrangers et à condition qu’il s’agisse de la même nationalité.
Ainsi, pour l'édition 2010, le championnat compte 3 équipes étrangères : un club chinois, un club japonais et … un club français !
L’Etoile FC est le premier club français et même européen à y participer et surtout le premier club étranger à enlever ce championnat.
La S-League a en effet vu apparaître (et disparaître pour six d’entre eux) neuf clubs étrangers : Sinchi FC (en 2003), Albirex Niigata (2004), Sporting Afrique (2006), Liaoning Guangyuan (2007), Super Reds (2007), Dalian Shide (2008), Brunei DPMM (2009), l’Etoile FC (2010) et Beijing Guoan Talent SFC (2010)

En même temps que les chinois de Beijing Guoan, Johan Gouttefangeas profitait des retraits des clubs brunéien et coréen pour y inscrire le club français contre une garantie bancaire de 500 000 dollars singapouriens (environ 280 000 euros) et pour le droit d'y jouer 3 saisons minimum.


Il avait réussi à convaincre des entreprises de s’associer au projet, récoltant un budget d’environ 2 millions d’euros.
Comme joueur, il avait pas mal bourlingué à travers le monde (clubs écossais, anglais, australien, brunéien, …) et c’est depuis son bref passage dans ce championnat, il y a neuf ans, qu’il avait mûri l’idée et il travaillait activement à sa réalisation depuis 2008.

(c) ladepeche.fr

David Ginola et Patrick Bèche furent déterminants dans cette aventure.
Ancien footballeur de seconde et troisième divisions, Bèche est le fondateur de evolution-sport.com un site de contacts pour joueurs, entraîneurs, préparateurs physiques, aussi bien dans le monde amateur que professionnel. En relation avec Pro Foot Asie, l'association de David Ginola, leur action commune allait porter ses fruits.
"Notre but est double. Dans un premier temps, nous montons une franchise qui va participer à la Singapour League. Puis, nous allons mettre en place une académie de foot qui s'appellera 'Un Ballon pour la vie' ", expliquait Patrice Bèche au tout début de l’aventure.
De même que David Ginola envoyait des dossiers à des clubs en vue du recrutement de joueurs par le biais de matchs amicaux dans la région lyonnaise, fin 2009.
"Sur plus de 200 candidatures, seulement 25 joueurs ont été retenus après un match de sélection", ajoutait Bèche.
Nicolas Possetti (ex-U.O.Demi-Lune-Tassin) fut engagé pour superviser les détections et devenir entraîneur adjoint une fois sur place. Comme coach, Patrick Vallée fut choisi.

(c) foot-national.com / DR

Cet ancien directeur du centre de formation de Beauvais, ancien entraîneur de Rouen et, plus récemment, coach adjoint à Pacy-sur-Eure, il avait le profil idéal puisqu'il avait également deux expériences étrangères, ayant entraîné au Qatar et à Congo-Brazzaville.
Vallée terminait de constituer cette équipe composée de 23 joueurs revanchards : pour une bonne moitié, il s’agissait de joueurs au chômage et pour le reste, de joueurs en manque de temps de jeu dans leur club. Tous ayant fait partie d’effectifs d’équipes de CFA2 jusqu’à la L1. On peut relever la présence de beaucoup de joueurs provenant de la région Rhône-Alpes.
Les salaires : plutôt bas, entre 800 et 3 000 euros, le logement proposé : dans le même hôtel, c'est économique mais idéal pour nouer des liens. Tous sont là pour relancer leur carrière et pour le goût de l’aventure.


On peut citer par exemple Frédéric Mendy (ex-Nantes), Matthias Verschave (ex-Clermont, ex-Nîmes, ex-Brest, etc..), Khaled Kharroubi (ex-Valenciennes), Yohan Lacroix (ex-Lille) ou encore Serge Prasitharath (D1 Suisse).
Sylvain Wiltord avait même été pressenti.
 
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Les joueurs ont droit à deux entraînements quotidiens pour un match hebdomadaire. Ils ont élu quartier au Queenstown Stadium, un petit stade d’une capacité de 3800 places.

Sur le site du FC Lorient, Kévin Yann expliquait ses conditions de vie à Singapour :
"Nous somme logés deux par appartement de trois chambres dans une résidence grand standing (piscine, etc..). Tous ensemble sauf les couples. La langue officielle est l’anglais donc aucun soucis d’adaptation. Ils se calquent sur le modèle américain donc on ne ressent pas trop une culture typiquement asiatique sauf pour la nourriture essentiellement à base de riz et de poisson. Le climat est très difficile car il fait très lourd.
Kévin Yann, (c) fclorient.net

(...) C’est très sécurisé car la torture et la peine de mort y sont appliquées au quotidien ... Très peu de délit, très respectueux, très propre : je n’ai jamais vu un papier par terre dans la rue ou dans le métro."

En terme de niveau, la S-League équivaut à peu près au CFA voire au National avec la difficulté supplémentaire que les parties se jouent à 20h sous les 35° celcius. Le championnat se déroule de février à novembre.
"C'est encore plus difficile de gagner pour une équipe étrangère parce que la plupart des singapouriens sont contre nous", déclarait le capitaine Matthias Verschave.
La communauté française à Singapour représente environ 7000 individus permanents et la plupart des supporters de l’Etoile FC sont justement une partie de ces français-là.
La S-League n’intéresse pas grand monde (0,5 point d’audience lors des retransmissions télévisées) mais pour faire revenir les singapouriens dans les stades de foot qu’ils ont désertés depuis les années 70, Johan Gouttefangeas, que rien n’arrête, a mis en place un plan communication et marketing.

(à suivre)

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